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9 octobre 2011 7 09 /10 /octobre /2011 14:47

serres

Le directeur et fondateur de la maison d’édition jeunesse bien connue Rue du Monde, qui publie des livres pour interroger et imaginer le monde, adresse une lettre à l’intention des critiques littéraires et de tous ceux qui n’ont pas encore eu la chance de rencontrer un bon livre jeunesse.

   

Ce manifeste en forme de courrier est une réponse à François Busnel qui écrivait, à la veille de l’ouverture du Salon de Montreuil :

"Je n’ai jamais cru aux vertus de ce que le monde de l’édition appelle la” littérature jeunesse”. Sans doute est-ce une tare, mais ce “secteur” m’est toujours apparu comme une invention marketing destinée à écouler une production souvent mièvre et à soutenir des maisons en mal de chiffre d’affaires."

" A l'attention des critiques littéraires

et de tous ceux qui n'ont pas encore eu la chance

de rencontrer un bon livre jeunesse

Madame, Monsieur,

Vous faites un métier difficile, forcément critiquable. Tout particulièrement lorsqu'on l'observe depuis notre petit territoire que nous osons nommer l'édition de littérature jeunesse.

Je veux d'emblée remercier François Busnel ( France Inter, France 5, Lire et L'Express ) de me donner l'occasion de ce courrier. Merci pour la sincérité de ses aveux, dans l'Express du 24 novembre dernier, à la veille de l'ouverture du Salon du livre jeunesse de Montreuil, où il écrit : " Je n'ai jamais cru aux vertus de ce que le monde de l'édition appelle la "littérature jeunesse". Sans doute est-ce une tare, mais ce "secteur" m'est toujours apparu comme une invention marketing destinée à écouler une production souvent mièvre et à soutenir des maisons en mal de chiffre d'affaires."

Il dit sans doute là ce que beaucoup de ses confrères, qui tiennent chronique dans de grands médias où le livre jeunesse est quasiment absent, n'expriment pas. Je m'adresse à vous tous aujourd'hui avec d'autant moins d'hésitations que je vous ai envoyé, au fil des années, la plupart des 250 livres que notre petite maison d'édition indépendante a publiés ! Des livres que nous parvenons à faire exister contre vents et marées, depuis bientôt quinze années, grâce à un engagement de chaque instant, qui excusera peut-être l'enthousiasme de cette lettre que j'écris sans détours mais en toute cordialité.

Vous pouvez aisément l'observer, il existe bien moins de productions mièvres ou à objectif strictement commercial dans le livre jeunesse que dans le livre adulte ! Question de volume. Et si l'on compare proportionnellememt, pour un livre niais qui ne prend guère l'enfant au sérieux ( bien-sûr qu'il en existe, et des particulièrement affligeants ! ), combien d'ouvrages qui considèrent les adultes comme des tartes en leur romançant la vie d'une héroïne d'émission de téléréamité, et de manière tout aussi gratinée ?!

Mais quelle étrange idée de limiter son regard à ces produits bêtifiants qui ne relèvent en rien de la littérature, se privant, du même coup, de la fabuleuse forêt de découvertes littéraires qui est, dans notre pays, offerte aux pas aventureux des enfants ! Une forêt de livres où l'on appréhende le monde sensible dans sa complexité et ses contradictions. De vrais livres où, dès le plus jeune âge, l'enfant élabore son point de vue, confronte ses doutes, ses hypothèses, projette sa personnalité en construction, se pense, cherche, apprend son métier de lecteur en lisant entre les lignes ou même entre le texte et l'image. Ce chemin de papier proposé aux enfants est bien celui de la littérature, loin de tout enfermement éducatif ou didactique, de toute démagogie ou condescendance.

François Busnel écrit aussi : " Il faut donner aux jeunes des lectures qui ne sont pas de leur âge. Jack London, Robert Louis Stevenson, Jules Vernes, Alexandre Dumas, Homère [...], Balzac, Stendhal, Maupassant [...], Rabelais..." S'il s'agit de rester libre quant aux classifications d'âge des lecteurs, je le suis volontiers, mais limiter les lectures des enfants à ces grands classiques, quelle punition ! Et quelle mauvaise habitude de parler systématiquement des odeurs d'antan quand on entend le mot "enfant" ! Je crois qu'il faut que l'on s'y fasse : les enfants sont terriblement contemporains. Et même si Dumas, London ou Rabelais demeurent d'une totale actualité, il existe aujourd'hui des créateurs authentiques, écrivains ou illustrateurs, qui savent partager leur esprit d'enfance avec des millions de jeunes. Ils leur parlent de la vie, de la mort, de la haine, de l'amour, de l'homosexualité, de la mémoire, de l'espoir émigré, de la vérité tue, de la lumière louche d'un Picasso, de la poésie violente des cascades d'Iguaçu, des mots morts à la guerre et ressuscités dans un pot en terre sur un balcon de banlieue...Ils parlent aux enfants en les considérant comme de véritables personnes parce qu'ils en sont ! Et si ces créateurs parviennent à le faire, c'est grâce à leur talent, mais aussi grâce à l'implication de tous les acteurs du bonheur de lire. Ce sont des éditeurs exigeants, capables de prendre des risques, des libraires passionnés, des bibliothécaires, des enseignants, des parents, des grands-parents qui vont lire dans les écoles, des bons copains qui troquent un bouquin contre rien dans la cour de récréation. Comme tout au long de la chaîne du livre pour adultes. A une différence près : l'absence des grands médias pour relayer critiques et coup de coeur. Chaque journaliste, chaque rédacteur en chef avance sa bonne raison : place, temps, compétences ou, comme François Busnel feint de le croire dans ce même article de L'Express, le fait que les éditeurs jeunesse ne publieraient que " des versions expurgées de chefs-d'oeuvre dits classiques ". En réalité, 0,2% des 8 000 livres jeunesse édités chaque année !

Je me permets de vous suggérer, à vous qui avez pour métier de naviguer de livre en livre, de vous offrir de temps à autre le plaisir d'une escale sur ces îlots de littérature jeunesse qui nous sauvent des certitudes. Entrez dans les livres que je vais continuer de vous envoyer - une espérance un peu enfantine m'a toujours accompagné ! Découvrez ce que publient tous mes confrères de qualité, et ils sont nombreux. Le livre jeunesse francophone recèle des réussites et des audaces qu'on nous envie dans le monde entier. Ses productions, avec celles de quelques rares pays, tranchent nettement dans un paysage culturel mondial qui méprise trop souvent l'enfant. On le tire vers le bas et le laid, on n'a de considération que pour ses capacités à docilement consommer. Mais ce pire ne doit pas dissimuler le meilleur, sinon pires encore seraient les enfances du monde.

Il est temps que les quotidiens, les grands hebdomadaires, les plateaux de télévision n'excluent pas l'enfant du champ culturel. Et si les jeunes parents trouvaient là de bonnes raisons de fréquenter davantage une presse qui a aussi besoin de lecteurs ? Dans les grands médias, quelques rares exceptions existent, souvent avec difficulté; mille mercis à ceux qui, au sein de leurs rédactions, parviennent à inviter l'enfance. Merci aussi à toutes les publications spécialisées qui viennent régulièrement se pencher à nos fenêtres. Et bienvenue à tous les autres. Il nous faut travailler à cette rencontre.

Que diriez-vous, par exemple, d'une table ronde, amicale et constructive, dans les prochaines semaines ? Il y aurait là des éditeurs de littérature jeunesse, des libraires, de bons auteurs, quelques grands illustrateurs, des organisateurs de salons du livre, des critiques littéraires, et des jeunes lecteurs aussi... Nous parlerions ensemble de nos engagements professionnels, de nos manières de penser le livre, de nos lectures, de nos écrits : juste deux heures de découvertes. Je sais bien que vos heures sont précieuses, nos agendas sont tous bien remplis aussi, mais peut-être l'investissement créatif de milliers d'acteurs du livre jeunesse en France mérite-t-il nos efforts communs. Je me permets de lancer l'idée auprès de mes confrères, et de tous ceux qui sont déçus, irrités, malheureux du silence qui finit par rendre invisibles les livres qu'ils aiment.

J'espère bien sincèrement que nous parviendront ensemble à ce que la grande famille des dévoreurs de livres s'agrandisse chaque fois qu'un enfant en ouvre un ou que ses parents lisent dans leur magazine préféré la bonne nouvelle : un excellent livre pour enfants vient de naître ! Il en vient plus souvent au monde qu'on ne le soupçonne sur cette planète Littérature aux millions de visages.

Cordialement à vous,

Alain Serres,

directeur de Rue du monde

Janvier 2011 "

images

 

 

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25 juillet 2011 1 25 /07 /juillet /2011 18:52

Les chiffres utilisés sont donnés dans un article de La revue des Livres pour enfants (n°252 d'avril 2010), Les paramètres économiques d'une maison d'édition, écrit par Sandrine Mini, directrice des éditions Syros depuis 2005.

  logo syros

 

"Il est difficile de généraliser un propos dans la mesure où tous les éditeurs n'ont pas les mêmes règles, les mêmes contraintes économiques, selon qu'il s'agit d'une petite structure, d'une maison indépendante (moyenne ou grande) ou rattachée à un grand groupe, et surtout selon la production de la maison (référence, fiction, sciences humaines, pour adultes, pour la jeunesse…) ou les canaux de vente (librairies, hypermarchés, vente par correspondance, clubs…).

Avant de publier un livre, un éditeur se pose forcément la question de sa viabilité. Il doit le réaliser et le défendre au mieux pour que l'auteur avec lequel il a signé un contrat trouve son public. Et un éditeur, pour respecter ce contrat, rentrer dans ses frais et continuer à publier, doit vendre les livres qu'il publie. "B. A. ba" qu'il n'est pas inutile de rappeler…"  Sandrine Mini

 

gaston pile de livres 2 

Certaines données sont donc variables selon les maisons d'édition et leur mode de fonctionnement, selon le type d'ouvrages aussi.

Deux exemples :

Pour les frais de création, ils vont de 1% du prix du livre pour un roman à 15% pour un livre illustré. Pour cette rubrique, nous avons choisi le cas d'un album (15%).

Pour la promotion du livre, ils vont de 1% à 12%. La moyenne donnée dans l'article est de 3%.

 

 

 

 

 

Voici les chiffres moyens :

1   droits d'auteurs et d'illustrateurs = 6%

2   coûts industriels (papier, impression, façonnage…) = 10%

3   frais de création = 15%

4   promotion = 3%

5   diffusion = 5%

6   rémunération de la librairie = 35%

7   distribution = 12%

8   frais de structure de la maison d'édition = 6%

9   autres (spécimens, pilons…) = 3%

10 – TVA = 5%

  camembert

 

 Rappelons-nous, à titre d'exemple malheureux, que les éditions Anna Chanel ont mis la clé sous la porte après cinq ans d'existence (voir notre article    )

 

 

 

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20 avril 2011 3 20 /04 /avril /2011 07:35

Nathalie Collon co-fondatrice de Anna Chanel, auteure et amie de Bouillons de Culture nous a informés de la cessation d'activités de sa maison d'édition :

" Nous avons récemment traversé une période de forte turbulence sur l’année qui vient de s’écouler. En effet des placements très moyens, et beaucoup trop de retours ont fragilisé notre maison d’édition. Au vu de ce début d’année qui s’annonce de façon assez pessimiste et  après plusieurs mois de réflexion, et différentes tentatives pour essayer de sortir notre maison d’édition de cette phase difficile, nous sommes au regret de vos informer que nous devons arrêter définitivement  « Anna Chanel Editions. »

 

Il n’est pas simple de prendre une telle décision, comme vous pouvez vous en douter, surtout lorsque celle-ci touche l’essentiel : des valeurs humaines,  une personnalité, un travail, qui fut d’ailleurs souvent souligné par de nombreux coups de cœur et prix de la part du monde professionnel, nous avions simplement l’ambition d’exister, il faudra sans doute penser que c’était trop…"

 

Nous en sommes profondément navrés car nous aimons énormément TOUS les ouvrages qu'elle a publiés.

01Ainsi, au cours de l'année écoulée, nous avons invité Anaïs Bernabé, illustratrice de "Tu vois la lune" en octobre 2010.

 

00

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                         auteure Agnès de Lestrade

 

L'album "Graine d'espoir" faisait partie de la catégorie 3 de la sélection du 13ème Prix Gayant Lecture.

Graine d'espoir

                                                        Jérôme Le Dorze et Stefano Arici

 

                                                                                                                  

 

 

  atelier sandrine gambart (2)Sandrine Gambart  

 

                                                              

       

        

       Petit Pois et Grand Haricot

 

 

 

 

 

    

 

                          

   

                                                                           auteur Christos

 

 

et Chloé Rémiat,   illustratrices, étaient parmi les invités du 16ème salon.

 Différent

 

  chloe remia - Copie

 

 

 

 

 

 

 

                                           auteur Jérôme Le Dorze

 

 

 

 

Ces quatre albums sont magnifiques, émouvants, drôles...

 

Nous ne dirions pas mieux que Ricochet :

"Créées par Nathalie Allemand et Philippe Collon, les Editions Anna Chanel sont nées en 2006 d’un désir de transmettre, une réflexion sur le monde qui nous entoure, ses valeurs, ses différences. Une petite pointe de philosophie, de la magie, de l’émotion, de la poésie.  De beaux livres à collectionner, illustrés par de jeunes talents, à partager en famille. Quoi de plus merveilleux que de plonger avec ses enfants dans un beau livre illustré, bercé par les mots que l’on partage… La collection Anna Chanel est unique et éclectique, elle pourrait s’appeler « Philosofable » pour ses contes modernes et philosophiques inspirées des sagesses du monde, l’art du dessin et la poésie des mots pour l’émotion des sens."

 

Nathalie Collon nous dit encore :

"Des maisons d’éditions, pour lesquelles nous avions de l’admiration, ferment  leur porte, des sites de références défendant la diversité et la liberté, déposent le bilan. Un vrai malaise envahit ce secteur d’activité. Etre indépendant aujourd’hui comporte des risques énormes et le système fait en sorte de nous faire croire que c'est possible dans un premier temps.

 Tout cela ne devrait pas s’arranger dans les années à venir,  quand on voit les décisions  politiques concernant la culture."

 

Et moi, à l'autre bout de la chaîne du livre, lectrice passionnée, membre de Brouillons de Culture et organisatrice bénévole d'un salon où la vente d'albums progresse chaque année, JE NE COMPRENDS PAS !

 

 

 

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